Leïla Sebbar romancière et nouvelliste

          Journal d'une femme à sa fenêtre  

SUITE 66

 (Août 2019)


Août 2019

Le livre récent, Ma famille algérienne de Alice Schwarzer, journaliste allemande féministe, où elle parle du « juif algérien, Maurice Audin »… et de l’attentat du Milk Bar, de Zohra Drif et de Danielle Michel-Chich victime du geste de la poseuse de bombe.
Saint-Florent-le-Vieil. La Loire. Julien Gracq, sa maison. Voyage vers la mer avec D. Pornichet. La Baule. Le musée des Beaux-Arts à Angers, la circoncision de Jésus, la « Joconde angevine » à la grenade.
Août 2019
Je lis un livre de la féministe allemande Alice Schwarzer (fondatrice de la revue Emma) : Ma famille algérienne (éd. de l’Observatoire, 2019, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni). Elle retrouve, en 2017, en Algérie sa « famille algérienne » (des amis algériens). Elle évoque les années de la guerre d’Algérie, les années noires… Elle parle avec ses amies algériennes de l’attentat du Milk Bar à Alger en septembre 1956. De Zohra Drif poseuse de la bombe dont Danielle Michel-Chich a été victime, elle a 6 ou 7 ans, sa grand-mère meurt à la suite de l’attentat. Danielle Michel-Chich raconte cet épisode dans un texte du livre collectif À l’école en Algérie des années 30 à l’Indépendance, dirigé par Martine Mathieu-Job (éd. Bleu autour, 2018). Danielle a une jambe coupée, lorsqu’elle rentre à l’école primaire, elle a une jambe artificielle. Je l’ai rencontrée à Paris, elle est belle et agile. Elle préside et dirige une association féministe qu’elle représentera aux Journées Colette à Saint-Sauveur-en-Puysaie où elle a invité Nora Aceval pour ses Contes libertins du Maghreb (éd. Alain Gorius Al Manar). Je suis allée à ces rencontres avec Xavière Gauthier en 2016, où Anne Garreta était présente. Nous étions à la même table ronde animée par Josyane Savigneau. Des Journées Colette riches et heureuses.
Je reviens au livre d’Alice Schwarzer. Alice parle avec Lilia qui dit qu’elle est fière de Zohra Drif. Elle aussi évoque « le juif algérien, Maurice Audin, un mathématicien qui s’est rallié à la résistance algérienne »… Lilia rappelle : « Certains Juifs nous ont même aidés au cours de la lutte pour l’Indépendance. C’était le cas d’Audin. » Maurice Audin serait juif ! Je téléphone à une amie juive d’Algérie qui a soutenu la lutte des Algériens, pour l’Indépendance de leur pays, elle me dit que dans les milieux qu’elle fréquentait en Algérie et en Tunisie, Josette Audin passait pour juive. J’appelle Michèle Audin (qui a participé au collectif que j’ai dirigé : Une enfance dans la guerre, Algérie 1854-1962, éd. Bleu autour, 2016). C’est la fille de Maurice et Josette Audin, elle s’étonne de ces assertions et me dit qu’à sa connaissance, son père n’est pas juif, sa mère n’est pas juive… Pourquoi ces rumeurs ? Et pourquoi une journaliste professionnelle comme Alice Schwarzer ne vérifie pas ces informations ?
21-25 août
Avec D. on va à La Baule. Ces plages sont longues, je marcherai, comme dans l’enfance en ramassant des coquillages.
On s’arrête à Saint-Florent-le-Vieil. Julien Gracq a vécu dans une maison du village, au bord de la Loire. Timur Muhiddine, un ami franco-turc, a organisé, il y a quelques années, une rencontre littéraire à Saint-Florent-le-Vieil, je ne sais plus si c’était dans la maison de Julien Gracq « Traduire l’Orient », nous avons parlé de cet exercice deux jours durant. Je me rappelle avoir marché le matin au bord d’une rivière, seule, j’ai oublié son nom. Je relirai Le rivage des Syrthes.



Saint-Florent-le-Vieil, août 2019 (coll. part.). La maison de Julien Gracq au bord de la Loire, août 2019 (coll. part.).


À Pornichet, près de La Baule.
Des familles, des familles, des familles.
Une villa de station balnéaire : ALGER.
Une belle poste ancienne, tant qu’il y aura des lettres, des hommes et des femmes… Je l’aurais envoyée à Nancy Huston, du temps de nos Lettres parisiennes, notre livre sur l’exil.
Une belle médiathèque dans une école troisième République, Garçons/Filles.



Pornichet. La Poste, août 2019 (coll. part.).
Pornichet. La médiathèque dans les ÉCOLES, août 2019 (coll. part.).

Vers Paris.
Angers. J’aurais pu rencontrer Christine Bard universitaire, écrivaine et féministe, auteure d’un dictionnaire des féministes et Dalila Norsly qui travaille sur les instituteurs et institutrices en Algérie avant 1962, je pense. Elle enseigne, comme Christine Bard, à l’Université d’Angers. Elle a quitté Alger, comme beaucoup d’intellectuels menacés, à la fin des années 1990.

Le musée des Beaux-Arts
J’ai vu beaucoup de Vierge à l’Enfant dans les musées européens. Jamais, jusqu’à ce jour d’août 2019, au musée des Beaux-Arts d’Angers, cet enfant Jésus, sur les genoux d’un prêtre à longue barbe noire, entouré d’hommes et de femmes, deux hommes à ses genoux, l’un d’eux tient le tout petit sexe de l’enfant, on voit du sang rouge, ça s’appelle : La circoncision (fin du xve siècle, on lit aussi « Maître à l’œillet de Baden »). Une auréole dorée entoure la tête de Jésus, il est surpris, il ne pleure pas. Sur l’autre tableau, L’Adoration des mages, xvie siècle « Peintre angevin inconnu », l’enfant Jésus est nu, sur les genoux de sa mère, dont la main droite cache le sexe. Un jeune gardien me montre le portrait d’une femme qui tient un masque et une grenade entrouverte « Allégorie de la simulation, vers 1640 » de Lorenzo Lippi (1606-1665), il me dit : « C’est notre Joconde. La Joconde angevine… Je la trouve plus belle… » On dit que la grenade symbolise le sexe féminin.


vers la suite précédente 65

vers la  derniere suite 67

retour à la page d'accueil